
Credit photo: Audran Sarzier
Raïssa Leï, c'est une danseuse pas comme les autres!
Alors, Raïssa, dis nous, qui es-tu?
Leï est le diminutif de Leïla, surnom que l'on m'a donné il y a une quinzaine d'années quand j'ai commencé la danse hiphop. Je suis artiste danseuse et chorégraphe spécialisée dans les danses traditionnelles d'Afrique du Nord, le Waacking - style funky des années 70 venant de Los Angeles, et j'ai créé une fusion de ces deux styles également.
En parallèle je mène une carrière d'ingénieure en informatique et mathématiques appliquées depuis une dizaine d'années. Je suis d'origine marocaine d'Oujda, née à Paris 20ème, issue d'une tribu amazigh (berbère) zénète.
Et cette passion pour la danse, comment est-elle née?
En France, c'est une petite danseuse classique vue à la télé qui m'a donné le déclic, j'ai dit à ma mère à 6 ans "je veux faire ça". Etant issue d'une famille modeste, nous bénéficions d'une bourse municipale pour des activités de sport et danse. Ma grande chance a été que le lieu de danse le plus proche de notre domicile était le conservatoire Georges Bizet du 20ème arrondissement.
J'ai donc pu bénéficier d'une formation de haute qualité en danse modern'jazz de mes 7 à 18 ans. Notre professeur nous amenait aussi des enseignants de danses du monde : danse indienne, africaine, charleston, orientale, gypsy.
A 18 ans j'avais déjà une soif des danses du monde et des expériences de scène. J'ai toujours voulu aller plus loin en me mettant ensuite à fond dans le hiphop, la funk étant mon style musical préféré (j'ai 3 grands frères nés dans les années 70).
J'y ai alors découvert le Waacking peu développé en France et j'ai voyagé aux Etats-Unis, au Japon et en Europe pour me perfectionner.
J'enseigne le Waacking à Paris depuis 9 ans. Et en parallèle j'ai eu un retour aux sources, constatant que les danses traditionnelles d'Afrique du Nord, en particulier amazigh (berbères), n'étaient ni valorisées, ni programmées dans des théâtres, ni largement enseignées en Europe, la plupart des personnes associant cela à la danse orientale.
C'est ainsi que je développe mon travail autour d'enseignements et spectacles de danses traditionnelles d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient via ma troupe Kif-Kif Bledi ou en solo, en France et à l'international.
Parles-nous de ton dernier spectacle « Les figues de Berbérie »? D’où vient ce nom?
Ce n'est que vers l'Antiquité, suite à différentes invasions de plusieurs peuples, que le mot barbare a pris sa signification actuelle de sauvage / agressif.
Les Figues de Berbérie est donc une pièce dansée de 60 minutes qui rend ses lettres de noblesse au peuple amazigh d'Afrique du Nord qui comporte une dizaine de pays. L'approche chorégraphique est contemporaine en utilisant des gestuelles amazighes strictement traditionnelles.
Nous y racontons l'unicité initiale de notre peuple puis les scissions liées aux différentes invasions et colonisations qui ont constitué les pays et frontières que nous connaissons aujourd'hui.
Ainsi, chacun peut se questionner sur ses propres origines et ce que nous pouvons chacun initier pour faire perdurer notre large patrimoine culturel immatériel.
Quelles sont tes sources d'inspiration ?

Être berbère, ça veut dire quoi pour toi?
Etre berbère avant tout c'est être amazigh, ce qui veut dire littéralement "un être libre". Ensuite c'est être héritière d'une civilisation dont nous avons des traces depuis 10 000 ans avant Jésus-Christ. Malgré les invasions, les colonisations, les exodes, l'immigration vers l'Europe, nous sommes parvenus à préserver nos traditions, nos coutumes et notre langue sans quasi aucun écrit, ce qui est exceptionnel.
Je m'inquiète aujourd'hui de la perte de ce patrimoine via l'explosion de la bulle familiale et le désintérêt des jeunes générations pour les traditions au profit des nouvelles technologies.
Heureusement le Maroc, l'Algérie et la Tunisie par exemple développent la promotion de festivals, moussems et noubas afin de maintenir nos traditions.
Parles-nous de ton rapport à tes cheveux? tu les aimes, beaucoup, passionnément, à la folie?
J'ai donc un mélange des deux. J'ai voulu essayer de les boucler mais ca ne tenait jamais, mon seul moyen est de les dompter avec un soin lissant à base de protéines de soie une à deux fois par an.